témoignages + 2013 Septembre 16, Guatemala
Ce message de Gérard Lutte nous est parvenu lorsque la mise en page de ce bulletin était déjà terminée. Mais cette histoire est tellement belle et émouvante que nous n’avons pas pu résister à l’envie de vous en faire part. Elle nous montre bien comment le Mojoca peut aider ces jeunes et est aussi un bel exemple de solidarité entre eux.
VOUS VOUS SOUVENEZ DE KENIA
Amies et amis de Belgique,
Les vacances sont finies et les groupes de Rêves et de Gaume se réunissent déjà cette semaine. En guise de souhaits, je vous raconte la visite de Kenia ce dimanche à la maison du Huit Mars.
Beaucoup d’entre vous se souviennent certainement de Kenia, cette petite guatémaltèque qui adorait les bébés et était venue en Belgique avec Maria Elena en 2007.
Elle nous a rendu visite ce dimanche matin pour saluer Nora qui passe une dizaine de jours avec nous. Elle m’a pris à part pour me demander comment elle devait s’y prendre pour payer le parrainage d’un enfant parce que maintenant elle a trouvé du travail. Je lui ai demandé quel travail elle faisait. Elle bosse 12 ou 14 heures par jour dans une maquila (1) de sud-coréens, les pires esclavagistes qui sévissent au Guatemala où ils sont légion. Pour eux, pas de contrôles du bureau des contributions, de la Sécurité Sociale, des Ministères de l’environnement et du travail (2), ils ont ce qu’il faut pour corrompre.
Kenia n’a aucune protection, elle n’a pas le droit d’être malade, elle gagne cinq euros par jour, même pas 50 centimes par heure. Son job : coller les papiers qui servent à imprimer un t-shirt en passant dans un four. Elle doit en outre enlever tous les fils qui dépassent. Le minimum journalier : mille t-shirts. Et pour finir : nettoyer l’atelier. Celles qui n’y arrivent pas sont licenciées sur le champ. Quand, exténuée elle quitte cet enfer, il fait noir. Elle doit prendre un bus, puis faire deux bons km à pied, avec le risque d’être violée et assassinée, crimes fréquents et généralement impunis dans ce pays.
Qu’auriez-vous fait à ma place ? Le Mojoca a peu d’argent. Mais j’ai suivi mon coeur et après avoir obtenu l’accord des jeunes femmes du Huit Mars, j’ai proposé à Kenia de prendre pour quatre mois la responsabilité de notre atelier de bijouterie-peinture. Nora enseignera la technique du découpage pour peindre des boites à bijoux, ou pour mettre des serviettes en papier, du thé en sachets, etc. Kenia travaillera 8 heures par jour, du lundi au vendredi. Elle sera soignée et pourra s’absenter en cas de maladie. Elle aura le temps de chercher un travail régulier. Sa rétribution ne sera pas énorme mais bien meilleure que celle du coréen.
Kenia nous indique la solution à la crise: le partage. Le Mojoca, c’est-à-dire les jeunes de la rue résisteront parce qu’ils partagent.
Gérard
(1) maquila (ou maquiladora) : sorte de zone franche (exonérée des droits de douane) où on produit à faible coût des marchandises importées et souvent ré-exportées. Elles attirent les investisseurs qui y exploitent une main d'oeuvre mal payée (surtout des femmes) qui doit souvent travailler dans des conditions déplorables
(2) à propos des contrôles : référence aux nombreux contrôles que le Mojoca subit suite aux plaintes d'une voisine qui n'aime pas les jeunes de la rue