témoignages + 2006 mars 12

 Chers amis du Réseau,

Voici la traduction des dernières nouvelles du Mojoca, envoyées par Gérard en mars avril pour les Réseaux italien et belge. Certaines sont un peu tardives, mais intéressantes à lire tout de même.

Chers amies et amis des filles et garçons de la rue,

Cela a été une course contre la montre mais nous l’avons faite et la “maison du 8 mars” a bien été inaugurée le 8 mars.

Les préparatifs

Quand je suis arrivé le 9 février, presque tout restait à faire. Avant tout, il fallait acheter la maison, ce que nous avons fait en une semaine. Puis nous avons dû prendre contact avec Alberto Tonda, un ami de Graziano du groupe de Treviso, qui a une entreprise de bois à 150 km de la capitale. Alberto nous a donné gratuitement le tiers du bois dont nous avions besoin et nous a vendu le reste au prix coûtant. Une semaine après mon arrivée, Don Cirillo, le professeur de menuiserie, a loué un camion et est allé le chercher. Deux jours plus tard, l’atelier de menuiserie fonctionnait à plein rythme et pour le 8 mars, ils ont réussi à construire cinq lits et une table pour le réfectoire. De son côté, Doña Ofelia, professeur de coupe-couture, avec l’aide de Diana et parfois de Jacqueline du Réseau belge, ont acheté les tissus et ont confectionné les draps, taies et couvre-lits. D’autre part, Maria, mexicaine qui fait partie du Réseau italien, parcourait les magasins de la capitale avec deux filles, à la recherche de matériel à un prix intéressant : frigo, cuisinière semi-industrielle, couvertures, essuies etc.

Mais naturellement, cette préparation matérielle ne suffisait pas ; il fallait former le premier noyau des hôtes de la maison, choisir les accompagnatrices adultes décider des normes de la vie en commun.

Nous avons choisi deux accompagnatrices : Mirna Cute qui a été une des premières Quetzalitas, qui a eu une longue expérience de la vie en institutions et qui sait ce qui doit être évité. Elle a aussi travaillé comme aide administratrice dans plusieurs entreprises et pourra aider à l’administration de la maison. La seconde, Nati, est une indigène qui a connu la férocité de la répression de l’armée ; son père fut massacré lorsqu’elle avait 7 ans. Elle est venue à la capitale travailler dans une pension tout en faisant les études secondaires et de jurisprudence à l’université. Elle a ouvert sa propre pension il y a deux ans, c’est une femme entreprenante et elle aussi donnera aux filles un exemple positif. Toutes deux ont commencé leur travail avec beaucoup d’enthousiasme et passion, s’investissant jour et nuit pour la réussite de l’autogestion. Ensuite, il y a les premières filles : Ines, sans doute la leader du groupe, une fille intelligente et sensible qui a terminé l’école élémentaire ; avec elle Saida, Cristina, Claudia et Erika. Le groupe s’est réuni et a établi les règles fondamentales de l’auberge, les horaires des jours ouvrables et jours de fête, des sorties et des visites

7 mars, ouverture informelle de la maison

Ce fut une journée très fébrile, il fallait monter les meubles, porter les couvertures, les draps, la vaisselle, le frigo etc. ; tout devait être prêt pour le 8 mars.L’après-midi, nos menuisiers ont commencé à monter les lits et le premier lit était à peine prêt qu’Ines s’est jetée dessus et est tombée endormie et ni les bruits des menuisiers ni ceux du va-et-vient n’ont réussi à la réveiller. Saida m’a demandé si elles pouvaient déjà y passer la nuit. Ce n’était pas prévu, les accompagnantes étaient déjà parties et je n’ai pas réussi à les joindre, mais il n’y avait pas à hésiter une seconde : si la maison est autogérée, il appartient aux filles de décider et j’ai répondu à Saida qu’elles pouvaient dormir là à partir de ce jour-là. Les lits étaient là mais il manquait encore les couvertures et la cuisinière pour préparer le souper. Une solution a été vite trouvée, j’ai prêté les couverures, nous avons acheté du riz et des haricots et Nati a préparé le souper dans sa pension. Maria est restée avec elles et c’est à cinq qu’elles ont vu de la maison se lever le soleil le matin du 8 mars.

Le 8 mars

La matinée, une bonne partie des jeunes et de l’équipe belge et italienne ont participé à la manifestation des femmes. Maria, Claire, Jacqueline, Mirna et Nati et quelques filles ont travaillé aux derniers préparatifs : un dernier nettoyage de la maison, la décoration avec photos et ballonnets, la disposition des septante chaises dans la grande salle à l’entrée et d’une table avec le livre d’or dans lequel les participants pourront écrire quelques mots. Pendant ce temps, notre atelier de pâtisserie préparait le souper : vol-au-vent de poulet et gâteaux.

A 4 H, sont arrivés les premiers invités, en particulier une délégation de l’Unesco qui, en reconnaissance de la validité du travail du Mojoca, a décidé exceptionnellement d’attribuer une subvention de 20.000 euros pour l’auberge. Sébastien et Amaury avec des garçons du Mouvement, habillés en clowns, ont donné un air de fête, accompagnés par Xavier au saxophone. Et tout le monde s’est réuni dans la grande salle pour la cérémonie d’inauguration : un discours de Glenda, la jeune présidente du Mojoca, quelques mots de ma part sur la signification de cette maison (qui pour moi, outre la signification publique, a également un sens privé lié au souvenir d’une jeune femme qui, il y a beaucoup d’années, m’a donné la vie et son amour et m’a enseigné les valeurs qui m’ont guidé jusque dans les rues du Guatemala), la remise des clés à Ines, ensuite le moment le plus émotionnant : les premières pensionnaires ont pris chacune la parole pour expliquer ce que signifie pour elles une maison. Elles ont ri et pleuré et dans l’assemblée, beaucoup de personnes ont été émues et ont eu les larmes aux yeux. A la fin de la cérémonie, Piero Nota, de la paroisse du Limon, a béni la maison en ces termes : la bénédiction de cette maison est les filles qui y habitent.

Ensuite la fête éclate, on ouvre les portes et plus de cent cinquante personnes qui ont répondu à l’invitation, visitent la maison. Le spectacle de cirque commence, clowns, jongleurs, musiciens, avec la participation des enfants, ensuite le repas et le bal qui finira vers 19 H30, heure tardive au Guatemala. Le fonctionnement de la maison a été anticipé de dix jours et c’est bien parce que les filles l’ont décidé elles-mêmes.

Et maintenant, l’aventure commence

Pour fonctionner en autogestion, une maison de filles qui sortent de la rue n’est bien sûr pas une entreprise facile. Il est facile de prévoir qu’il surgira des conflits entre les filles, que pour quelques-unes, l’appel de la drogue sera fort. Puis il y a tous les risques extérieurs, déjà la troisième nuit, des hommes auraient tenté de s’introduire dans la maison et nous avons dû prendre des mesures urgentes de protection : dans les premiers jours, la présence d’un garde privé jusqu’à ce que nous ayons pu fermer toutes les voies d’accès. Nous n’avons pas encore l’expérience d’une maison autogérée mais elle a déjà bien commencé car les accompagnatrices laissent prendre les décisions aux filles elles-mêmes et elles se montrent responsables. La maison est propre, ls travaux sont distribués entre toutes et les horaires sont respectés.

Autres nouvelles

A la fin du mois, nous ferons encore un pas plus décisif dans le développement du Mojoca : après la phase de gestion par les adultes et après celle de quatre ans de gestion des adultes et de jeunes élus par leurs compagnons, nous passerons à une phase d’autogestion complète. Cela signifie que les décisions seront prises par les jeunes eux-mêmes, tandis que les adultes accompagnants, instructeurs, volontaires et psychologue, auront un rôle important de conseillers. Lors de l’assemblée générale prévue pour la fin du mois, seront approuvés les statuts de la phase d’autogestion et seront élus trois filles et garçons, de sorte que le comité de gestion comptera neuf membres.Ce nombre est nécessaire afin que dans chaque secteur d’activité ou de service, un jeune soit présent.

Nous voudrions également ouvrir une maison pour les garçons et les couples mais nous devons d’abord stabiliser notre expérience avec la maison des filles et trouver les fonds nécessaires. Cette initiative demandée par beaucoup de garçons ne pourra se réaliser à brève échéance.

Quatre personnes quitteront prochainement le Mouvement : Laura qui termine son stage de six mois et a réussi à se faire accepter avec discrétion et engagement par les jeunes du Mouvement, aussi apès un séjour de six semaines, Maria qui a pris beaucoup de contacts intéressants pour le Mouvement et s’est investie pour équiper la maison, enfin après un séjour de deux semaines Jacqueline et Claire du Réseau belge qui sont venues pour connaître mieux le Mouvement. Heureusement, il reste encore quatre volontaires belges : Amaury et Sébastien font une école de cirque et espèrent préparer pour le mois de juin un spectacle au Parc central et un jeune couple Xavier et Amélie réaliseront un projet de bibliothèque dans les maisons et dans les rues. L’année 2006 sera sous le signe de la solidarité belge et j’espère que d’autres volontaires italiens viendront. Je finis cette lettre en remerciant tous les membres des comités de gestion qui s’investissent pour soutenir le Mouvement. La dégradation de la situation économique  et les nouvelles initiatives comme la “maison du 8 mars”  accroissent les besoins financiers du Mojoca.

Je vous laisse en vous embrassant aff’ectueusement car maintenant commence la grande fête des enfants du Mouvement, fête offerte par un groupe d’enfants de Belgique qui ont renoncé à un cadeau par amitié pour leurs compagnons du Guatemala.

Gérard

 

La suite des nouvelles la semaine prochaine. Bon week-end prolongé. Amitiés

Jacqueline