témoignages + 2005 décembre

Chers amis,

Nous avons été invités par le fondateur de Mojoca, Gérard Lutte, a vous partager notre expérience dans le Mouvement des Jeunes de la Rues ainsi que nos émotions sur la situation des enfants des rues de Guatemala Ciudad.

Répondre à cette invitation est pour nous un honneur.

Cependant nous nous permettrons de préciser que notre témoignage n’est par définition qu un point de vue subjectif tentant de décrire un univers très complexe, un univers que nous appréhendons chaque jour un peu plus.

Nous sommes arrives dans la capitale du Guatemala au début du mois d’octobre. Apres avoir suivi une formation linguistique intensive, nous avons été accueillis chaleureusement par l’équipe de coordinateurs et accompagnateurs de Mojoca. L’objectif des premiers jours ne fut autre que de tisser des liens d’amitié avec les jeunes de la rue, venant passer leur matinée au Mouvement. Les relations se construisent différemment en fonction du caractère de chacun d’eux mais aussi de leur vécu pouvant affecter d’une manière ou d’une autre leur confiance envers les autres. La confiance est avant tout pour eux, une valeur de la rue.

La rue, ils s’y sont installes, pour la plupart, en espérant reconstruire en groupe des relations de confiance et de solidarité qui pour des raisons tant historiques que sociales ou psychologiques se sont décomposes dans de nombreux foyers du pays. Ces jeunes n’ont, dès lors comme adresse, plus que le nom du quartier qu’ils ont investi par petits groupes. Ce territoire, il faut le défendre et cela peut amener quelques tensions entre les jeunes de la rue, mais un autre pied à terre, qui est celui de Mojoca, parvient à les rassembler et à développer chaque jours leur entente, leur amitié, leur confiance.

De notre coté, peu de temps nous aura été nécessaire pour se faire amis avec eux. Notre objectif au sein de Mojoca est de mettre sur pied des ateliers de cirques, ce projet a trouve un écho positif auprès des jeunes et nous a aussitôt rapprochés d’eux. Nous décrivons ces ateliers comme un espace de rencontre, de communication, d’éducation, un espace où l’on apprend à vaincre ses peurs et à développer l’estime de soi.

Des valeurs qui sont au coeur de la pédagogie du Mouvement et pour lesquelles, nous nous contentons d’apporter un nouvel outil pour les faire grandir.

Jusqu’à présent, nos journées ont été le plus souvent alimentée par des discussions avec les jeunes au sein d’espace créés à cet effet, ce qu’on appelle la formation de los Hombres et de las Mujeres. On y discute de leur quotidien, de leurs défis et de leurs futurs. Comment sortir de la rue, comment arrêter de se droguer, quel rapport entretenir avec les autres jeunes de la rues, qu’est ce que le respect de l’autre, de la femme ou encore comment se préserver contre le virus HIV, autant de problématiques difficiles à appréhender seul et pour lesquelles Mojoca joue un rôle de sensibilisation indispensable.

Par ailleurs, nos matinées sont consacrées à la rencontre des jeunes dans leur univers, c’est à dire dans la rue. Nous y allons avec un des accompagnateurs du mouvement qui ne sont autre que d’anciens jeunes de la rue. Le plus souvent, les enfants sont sous l’effet des drogues qu ils prennent. Pour nous, les premières expériences furent douloureuse car notre rôle consiste pour le moins à apporter un sourire à cet enfant mais ce geste si anodin devient, en ces lieux, un exercice bien douloureux. Nous nous sommes retrouve face a ce monde humainement inacceptable et pourtant bien réel. Par ailleurs, l’attitude des autochtones en costard cravates nous a fortement touchée, car ils n’offrent pour la plus part, rien d autre que de la méfiance ou de l’indifférence. En leur refusant un geste d’attention ou même un regard, ces personnes ne font qu’attiser un sentiment de perte d’identité dont les jeunes souffrent déjà. Pour que ces enfants continuent de vivre dans un minimum de dignité, il faut lutter contre cette indifférence.

Ecouter leur histoire contribue à les faire vivre et à leur donner une raison d’être. Au delà des repas et des soins d’hygiènes que leur apporte le Mojoca, ce qu ils trouvent dans le Mouvement, ce sont des personnes qui les traitent en tant qu êtres humains et qui tentent d’en défendre les droits. A leur manière, les réseaux d’amitié en Belgique et en Italie contribuent par leur écoute a rendre a l’existence de ces enfants la valeur qui leur est due.

Avant de terminer, nous nous permettrons d’éclabousser ce sombre tableau à l’aide de toutes les couleurs que ces enfants mettent chaque jours dans notre coeur. Leurs espoirs, leurs rires, leurs courages font aussi partie du quotidien que l’on partage à leurs côté. Au Mojoca, on joue, on chante, on danse et on fête même les anniversaires... Au mojoca, des rêves d’enfants vagabondent, mais ces rêves, on a tous décidé d’y croire.

Amaury et Sébastien.