témoignages + 2008 Janvier
VOYAGE DE QUENIA, MARIA ELENA ET GERARD DANS L’AMITIE EUROPEENNE
Septembre-novembre 2007
Résumé, adaptation et traduction d’un texte de Gérard Lutte par Jacqueline Englebert
Nous sommes arrivés à Rome le 26 septembre, accueillis à l’aéroport par trois membres de la coordination du Réseau d’amitié en Italie.
Un séjour de quarante débats, rencontres, interviews avec des groupes de membres du Réseau d’amitié, groupes de jeunes et autres, rencontres avec la presse, avec des bourgmestres et membres des conseils communaux et provinciaux, avec des élèves et professeurs dans des écoles, avec des organismes qui appuient le Mojoca, dans des paroisses, témoignages au cours de célébrations eucharistiques.
Nous avons participé à l’Assemblée à l’ONU des jeunes à Terni où nous avons aussi fait partie du groupe chargé de l’élaboration du document sur la condition des jeunes en Amérique latine. Les organisateurs de cet événement important au niveau mondial nous ont dit que la contribution du Mojoca à l’analyse de la condition des jeunes des quartiers populaires et de la rue, avait été très appréciée et serait incluse dans le rapport final.
Le 20 octobre, nous avons participé à l’Assemblée générale du Réseau d’amitié en Italie « Amistrada ».
Entre les diverses rencontres, Maria Elena et Quenia ont pu se divertir par quelques visites à Rome, Florence, … sans manquer la visite de la tour de Pise et une promenade en gondole à Venise.
Le 7 novembre, nous avons pris l’avion à Milan pour Bruxelles, pour une visite de deux semaines en Belgique.
Nous avons passé quatre jours en Gaume, où se trouve la coordination pour le Réseau d’amitié en Belgique. Maria Elena et Quenia ont eu l’agréable surprise de voir tomber la neige, comme si elle était venue ce jour-là expressément pour elles.
Nous avons rencontré des membres de la presse et de la télévision régionales, participé à une rencontre-débat à la salle paroissiale de Habay-la-Neuve, à un repas social au marché fermier d’Ansart et à une rencontre avec des élèves et professeurs de l’Institut Cardijn d’Arlon
A Bruxelles, nous avons rencontré les responsables de « Entraide et Fraternité » et du centre belge du Service civil international et des éducateurs de rue dans le quartier populaire de Laeken.
A Liège, nous avons rencontré un échevin de la ville et le soir, participé à une rencontre-débat à la Casa Nicaragua, organisée par le groupe du Réseau d’amitié de Liège.
Dans le Brabant, une rencontre à Louvain-la-Neuve, organisée par le Cetri, une rencontre à Louvranges organisée par le groupe du Réseau d’amitié du Brabant et une rencontre avec des élèves responsables du « Jeune magasin du monde » au Collège Cardinal Mercier à Braine-l’Alleud.
Nous avons pu rencontrer aussi les responsables de TK, un organisme qui a soutenu le Mojoca pendant trois ans.
A Bruxelles, Quenia et Maria Elena ont pu visiter la Grand Place et voir le Mannekenpis.
A leur retour, au Guatemala, Maria Elena et Quenia ont été reçues avec un repas de gala à la « maison du 8 mars », auquel participaient également les garçons de la « maison des amis » et d’autres filles et garçons de la rue.
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Quenia et Maria Elena sont venues en Europe comme ambassadrices du Mojoca ; j’espère que maintenant, elles seront au Guatemala ambassadrices de l’amitié de tant de personnes et de groupes qu’elles ont rencontrés. Elles ont pu constater non seulement la délicatesse et la tendresse avec lesquelles nous avons été accueillis partout, mais aussi le travail extraordinaire, la générosité et la créativité qui caractérisent les personnes qui font partie de notre Réseau d’amitié. Elles se sont rendu compte que les personnes du Réseau, déjà engagées dans le travail et dans les problèmes de leur propre famille, trouvent le temps de se préoccuper des filles et des garçons qui vivent dans un pays très lointain.
Nous ne pouvons pas cacher que ce voyage de deux mois à travers la péninsule italienne et le sud de la Belgique nous a fatigués. Nous aurions voulu accepter tant d’autres invitations, mais c’était au-dessus de nos forces physiques. Et maintenant, c’est le devoir des personnes qui ont écouté Maria Elena et Quenia, de diffuser leurs témoignages, leurs sourires, leurs silences, leurs incertitudes et leurs larmes qui ont touché le cœur de beaucoup de personnes, qui ont permis à tous de se rendre compte de ce qu’est le Mojoca. Maintenant, pour ne pas rester stériles, toutes ces émotions doivent se traduire en organisations et engagements.
Ce voyage a été pour nous trois, qui avons vécu pendant deux mois quasi en symbiose, une école de vie très exigeante. J’ai vu Quenia et Maria Elena mûrir, devenir plus sûres d’elles-mêmes, au point de parler sans peur à des centaines d’étudiants universitaires et à des responsables politiques. Elles ont approfondi et affiné leur analyse, stimulées par les questions qui leur étaient posées pendant les débats. A Pinerolo, quand quelqu’un a demandé si les jeunes des rues n’étaient pas un danger pour la société, Maria Elena s’est enflammée et a répondu longuement. Elle a dit que oui, que les jeunes des rues volent parfois pour manger parce qu’on ne peut vivre uniquement de belles paroles mais que le vrai danger au Guatemala sont les hommes armés qui tuent les jeunes, les politiques qui se remplissent les poches au lieu d’agir pour l’intérêt de leur peuple, les multinationales qui pillent le pays, volent les ressources minières, détruisent le paysage, privent des centaines de paysans de leurs moyens de subsistance, détruisent le sol, les réserves d’eau et la santé publique. Après, elle m’a dit : j’aurais voulu dire tout cela en italien. Quenia, de son côté, montrait un sens aigu de l’humour. Après un débat avec beaucoup d’étudiants, à la fin duquel beaucoup de distraits faisaient du bruit, elle a répondu à une enseignante qui lui demandait « quelle impression as-tu de nos étudiants ? » : « Inoubliable ! Ils ont écouté avec tant d’attention ! ».
Cette expérience a sans aucun doute enrichi les deux filles qui ont eu le privilège de représenter le Mojoca en Europe. Cela leur a permis d’acquérir une plus grande connaissance de leur mission dans cette vie : pour Quenia, devenir avocate qui défend les droits des femmes maltraitées, des enfants et des jeunes de la rue, pour Maria Elena, devenir psychologue et défendre les droits de son peuple maya. Toutes les deux, en effet, étaient fières de leur identité maya.
Je pense que les trois objectifs de notre voyage en Europe, grâce à la collaboration d’amis et amies en Italie et en Belgique, ont été atteints dans une mesure satisfaisante :
1) Faire connaître la condition des filles et des garçons, surtout de la rue, au Guatemala et dans les pays limitrophes d’Amérique centrale. Cet objectif a été en grande partie atteint dans les nombreux débats organisés par les groupes des Réseaux belge et italien. L’Assemblée de l’ONU des jeunes à Terni a réussi à ce que cette information prenne une dimension mondiale. Elle a été amplifiée par les interviews dans les journaux, revues, radio et télévision. Il nous appartient maintenant, aux groupes des Réseaux, de trouver les moyens pour diffuser toujours plus, la contre-information sur la condition des jeunes en Amérique centrale.
2) Obtenir un appui des politiques européens pour défendre les droits des filles et des garçons, particulièrement de la rue, en Amérique centrale : à toutes les occasions dans lesquelles nous avons pu faire connaître la situation des jeunes aux hommes et femmes politiques européens, nous avons trouvé la plus grande disponibilité à intervenir pour défendre les droits des filles et des garçons de la rue et des quartiers populaires. Des personnalités significatives comme la Vice-ministre Patrizia Sentinelli et des membres des conseils communaux importants comme ceux de Florence et de Liège, se sont engagés non seulement à faire voter comme ordre du jour la défense de ces jeunes, mais aussi d’intéresser les institutions nationales et internationales à cette défense. Les documents finaux de l’assemblée de l’ONU des jeunes sont également utiles pour défendre le peuple de la rue. Il nous appartient maintenant d’élargir ce réseau de soutien, soit par les « Associations Internationales de Défense des Filles et Garçons des Rues », soit en envoyant régulièrement à des femmes et des hommes qui ont des responsabilités politiques en Europe, une information sur le respect des droits humains dans les rues de l’Amérique centrale et en requérant leur intervention en cas de nécessité.
3) Renforcer les liens d’amitié avec les groupes des Réseaux européens. Je crois que cet objectif aussi a été largement atteint. Les témoignages, la seule présence de Quenia et Maria Elena, ont suscité chez toutes les personnes qu’elles ont rencontrées, sympathie et volonté d’appuyer davantage le Mojoca. Grâce à cet engagement, sont nés des nouveaux groupes à Catanzaro, Catania, Lucca, Bruxelles et aussi en Allemagne. Jusqu’à présent, il s’agit de promesses. Je demande à tous les groupes déjà consolidés d’appuyer ces nouveaux espoirs. Nous ne savons pas encore si le travail de tant de personnes durant ces mois-ci nous permettra de trouver les ressources économiques qui permettent à Quenia, à Maria Elena et à toutes leurs compagnes et tous leurs compagnons de la rue de réaliser leurs rêves et d’être protégés contre toutes les violences qui les menacent chaque jour. Leur futur dépend aussi de nous.
A la fin d’un débat à Caprarola, un participant m’a demandé deux paroles d’espoir. Et à Rome, ils m’ont demandé si un changement au Guatemala était possible. J’ai répondu en indiquant Maria Elena et Quenia : voilà les paroles d’espoir, voilà un changement qui a déjà commencé. Quand un garçon ou une fille de la rue qui vit dans le mépris, dans la négation de tous ses droits, y compris celui à la vie, qui est considéré comme un objet, non comme une personne humaine ni comme un citoyen, quand une fille qui a encaissé ce mépris et croit qu’elle ne sortira jamais de la rue, se lève, prend la parole, revendique ses droits, s’unit à d’autres pour défendre leur propre dignité, se préoccupe du sort d’autres jeunes de son propre pays et du monde entier, alors le changement est déjà en marche. L’histoire n’est pas finie.