le projet + APPROFONDISSEMENTS + 2003 - un projet d'aide aux enfants des rues du Guatemala

                                                                                                                                                     

GUATEMALA, terre des Mayas

 

Le Guatemala compte 10.000.000 d’habitants, 70 % de Mayas, 28 % de métisses et 2 % de créoles. Une petite minorité de personnes détient la majeure partie des terres et le pouvoir économique, politique et militaire, tandis que les 2/3 des habitants vivent dans la misère extrême.

Dans les années 80, l’armée, milice privée de la classe dominante et les escadrons de la mort appuyés par le gouvernement des Etats-Unis, ont tenté d’anéantir une bonne partie du peuple indigène, des syndicats et autres mouvements populaires qui s’organisaient pour revendiquer leurs propres droits. Aujourd’hui, en temps de « paix et de « démocratie », l’armée continue à contrôler le pays et s’oppose à toute tentative de poursuivre en justice les coupables des crimes contre l’humanité.

La misère croissante provoquée par l’économie néo-libérale, par le chômage et la faim, pousse beaucoup de paysans vers la ville où ils vivent dans des bidonvilles qui entourent la capitale d’une ceinture de misère.

Le Guatemala est une démocratie apparente, mais une dictature de fait.  Rios Montt, ex-dictateur génocide, a repris le pouvoir et installé un gouvernement qui favorise la formation d’une nouvelle classe dominante formée par les militaires, les trafiquants de drogue, de voitures volées et de séquestres de personnes. Les violations des droits de l’homme augmentent de manière vertigineuse.

La répression et la violence contre les enfants des rues augmentent sans cesse.. Les policiers les arrêtent  systématiquement. Des sectes religieuses participent avec violence à cette répression.

Parfois, des  groupes qui occupent une maison abandonnée se font expulser parce qu’on veut démolir le bâtiment pour en reconstruire un autre.

Des gangs  de jeunes des quartiers populaires s’affrontent  dans des batailles sanglantes et embrigadent par la force les enfants des rues.

 

La rue,  rêve d'une vie meilleure  

 

Pour fuir les bidonvilles,  lieux de misère et de désespoir, beaucoup de filles et garçons choisissent la rue. Ils refusent d’être enfermés dans des maisons sans la possibilité de décider de leur propre vie.  Pour eux, la rue n’est pas seulement violence, faim, viols et mort, mais aussi maison, famille, partage, amitié, amour, liberté.

Auparavant, ils recouraient au vol, à la prostitution, parfois pour survivre, maintenant  c’est  de plus en plus la mendicité qui leur fournit les moyens de subsistance. Ils vivent en couples et en bandes, chacune d’elles a son propre territoire. Il  est impossible pour eux de vivre sans faire partie d’un groupe qui les protège comme une famille. Aujourd’hui, les groupes sont de plus en plus petits pour échapper à l’attention de la police. Avant, ils habitaient surtout le centre de la ville, actuellement, nous voyons plus de groupes dans la  périphérie. 

Vers 15 ans, beaucoup de filles deviennent mères et élèvent du mieux qu’elles peuvent leurs enfants dans la rue.  La rue est difficile à vivre, mais elle a ses joies, ses convivialités, ses expressions de solidarité et c’est toujours une victoire sur la résignation, sur le non-sens, la drogue, la violence, la prostitution.

 

Partant d’eux et avec eux, le « MOUVEMENT DES JEUNES DE LA RUE »

 

Rebelles ou écrasés, non soumis et pourtant solidaires, les filles et garçons ont besoin d’être reconnus et aimés comme personnes. En 1993, après une enquête menée par Gérard Lutte, où ils pouvaient exprimer librement leur vécu, est né le rêve d’un mouvement des jeunes de la rue, géré par eux, pour défendre leurs droits et améliorer leurs conditions de vie. Leur vitalité, leur joie, leur intense envie de vivre, leur sens de l’amitié l’ont touché à tel point qu’il a décidé de construire avec eux ce projet nouveau et original.

 

Gérard Lutte, originaire de Genappe en Belgique, vit depuis de nombreuses années à Rome, professeur à la faculté de psychologie de l’université « La Sapienza », spécialisé dans la psychologie de l’enfant et de l’adolescent. Il unit l’enseignement, la recherche et le travail avec des jeunes qui s’organisent pour sortir de la marginalité. Il a travaillé avec des organisations internationales de jeunes et avec des jeunes sandinistes au Nicaragua pour qui il a fondé un projet de bourses d’études à but social.

Il a fondé au Guatemala l’association « Las Quetzalitas » et le « Mouvement des Jeunes de la rue ». En Italie et en Belgique, il a initié le « Réseau d’amitié avec les filles et garçons de la rue du Guatemala »

Il a écrit de nombreux livres : « Il n’y a plus d’adolescence, les jeunes au Nicaragua », « Supprimer l’adolescence ? », « Psychologie des adolescents et des jeunes », « De la religion à l’évangile, jeunes révolutionnaires au Nicaragua », « Jeunes travailleurs des cinq continents », « Les enfants de la rue au Guatemala ».

Chaque année, il effectue deux ou trois séjours de plusieurs mois au Guatemala, pendant lesquels il accompagne ces jeunes des rues et y emmène avec lui en juillet-août  des jeunes qui partagent la vie des jeunes des rues  et nouent avec eux  des amitiés qui enrichissent spirituellement les uns et les autres.

 

En 1994, naît l’association « Las Quetzalitas ».

 

Una quetzalita signifie en espagnol un petit quetzal au féminin. Le quetzal est un splendide oiseau vert avec la poitrine rouge et une très longue queue ; il est le symbole du Guatemala et de la liberté parce qu’il ne survit pas en cage.

Les quetzalitas  est un groupe d’aide mutuelle, composé de filles qui décident de sortir de la rue, en affrontant ensemble les problèmes de la nouvelles vie : maison, travail, enfants, mari et violence. Les Quetzalitas constituent le premier groupe autogéré du mouvement.

Soutenir ces filles avec une aide morale et matérielle, prendre avec elles le risque de la confiance afin qu’elles retrouvent la confiance en elles-mêmes, est la conséquence nécessaire d’un accompagnement dans la rue. 

 

En 1997, commence le « MOUVEMENT DES JEUNES DE LA RUE ».

 

Le Mouvement se forme principalement dans la rue, dans les lieux où les jeunes vivent, travaillent, mangent, dorment, avec des rencontres, des jeux et des discussions centrées sur leurs droits et leurs problèmes. Il est nécessaire de partir de la réalité qu’ils vivent : la rue, une fameuse école de maturité avec ses valeurs – l’amitié et le partage – sans lesquels il ne serait pas possible pour eux de survivre dans un monde hostile.

L’idée d’un mouvement autogéré enthousiasme les garçons et filles et les plus grands, dans une réunion spontanée sans la présence d’adultes, nomment deux représentants, décident d’acheter des cahiers et des crayons et d’eux-mêmes commencent déjà des cours d’alphabétisation. Le mouvement s’étend rapidement à d’autres groupes grâce au travail d’accompagnateurs adultes et de volontaires

Les objectifs du Mouvement.

 

Le Mouvement veut développer un  processus de formation des jeunes de la rue, géré par eux-mêmes, dans le but de défendre leurs propres droits, trouver des solutions à leurs propres problèmes, améliorer leur propre qualité de vie et contribuer à une société plus juste. Il soutient les filles et garçons qui désirent sortir de la rue sans entrer dans une institution.

 

En 1998, les filles et les garçons du Mouvement ouvrent leur première maison.

 

Pour se développer, le Mouvement avait besoin d’un point de rencontre pour tous les groupes de la rue. Au cœur de la ville, une vieille maison a été louée et restaurée par les jeunes eux-mêmes ; c’est un lieu de réunions, d’activités, de formation et un refuge nocturne.

 

2000-2002, les jeunes développent et prennent en main leur mouvement.   

 

La solidarité belge et italienne et une subvention de l‘Union Européenne ont permis au mouvement d’acheter une maison, le libérant du cauchemar de l’expulsion. C’est un lieu accueillant, où ils peuvent reprendre haleine, être écoutés, se reconstruire peu à peu.

Le Mouvement est maintenant bien en place avec une équipe d’éducateurs qui appuient la coordination du mouvement formée par des filles et garçons élus par leurs camarades.

Le projet veut aider les jeunes à prendre en main leur destin et ne veut pas leur faire la charité. C’est pourquoi l’instruction et la formation professionnelle sont le cœur du projet  une quarantaine de jeunes suivent des cours dans la maison ou au dehors .

La maison est ouverte dès huit heures du matin. La journée commence avec une bonne   douche et  la lessive du linge : les jeunes des rues tiennent à la propreté. Après un bon déjeuner , ils lavent la maison avant de suivre des cours et formation. 

Les jeunes proposent parfois aussi des activités dans la rue, exemple des représentations théâtrales ou dans un autre domaine une campagne d’élimination des poux parmi leurs compagnons des nombreux groupes de jeunes dans la rue.

Les filles ou les couples qui sortent de la rue reçoivent une aide pour étudier, se former,  trouver un logement, un travail ou commencer une micro-entreprise. En même temps, continue le travail avec les groupes de la rue.

 

Deux nouvelles activités se sont mises en place depuis peu : la production de pâtisserie qu’ils vendent dans la rue et la fabrication d’objets artisanaux.

 

Une dizaine de filles et de garçons s’occupent avec enthousiasme et compétence de la boulangerie et de la pâtisserie. Ils suivent des cours de formation professionnelle deux jours par semaine. On va installer dans la maison un atelier de boulangerie qui leur permettra de faire du pain et des gâteaux et de les vendre avant de trouver du travail au dehors.

La fabrication d’objets artisanaux devrait apporter des recettes au Mouvement et permettre à quelques filles de vivre ou d’améliorer leurs conditions de vie. Pour l’instant, Ana, Anabela, Ana Maria, Marisol, Susan et Wendy fabriquent des sacs multicolores en tissu, des porte-monnaies, des coussins, des sets de table.  La plupart d’entre elles suivent des cours de formation professionnelle . Nous les soutenons en vendant leurs produits.  

 

LA MAISON est un refuge de paix au cœur de la cité. Elle s’appelle la « maison des colibris ». Gérard nous invite à en faire le tour :

« Elle est grande mais déjà trop petite pour tout ce que nous y faisons. Nous entrons par la grande porte cochère verte qui donne sur le premier patio, un pré vert avec plantes et fleurs où les colibris trouvent leur nourriture. La première salle à gauche est le secrétariat où travaille Mirna ; elle sert également de salle de réception. La suivante  le bureau des jeunes de la coordination et des éducateurs.. La troisième dont la fenêtre donne également sur la rue, est plus grande .C’est la salle de couture remplie de tissus mayas aux couleurs vives. Elle contient huit machines à coudre.

Allons maintenant dans les pièces de droite dont les fenêtres donnent sur le patio. La première est celle des garçons, la suivante celle des filles, le dimanche pour les Quetzalitas. Dans la suivante encore, nous avons huit douches et sanitaires. Ensuite, nous trouvons l’atelier de boulangerie avec un four moderne et, en face, une salle qui se trouve entre le patio que nous connaissons déjà et l’autre  plus petit à l’arrière de la maison; c’est la pièce la plus grande de la maison, elle sert de bibliothèque et de salle pour les classes primaires et d’alphabétisation et les cours d’informatique.  Près de l’atelier de boulangerie, nous trouvons la cuisine, grande, lumineuse, propre, avec un appareil qui sert à purifier l’eau avec l’ozone et nous permet de ne pas devoir acheter l’eau purifiée. A cet endroit, le cloître qui s’étend devant toutes les salles, est fermé avec des parois en bois avec des larges vitrages qui donnent sur le second patio où se trouvent deux lavoirs qui permettent à six filles et garçons à la fois de laver leur linge.

Dans la partie postérieure, nous trouvons une autre construction plus rustique à deux étages ; en-dessous, nous avons deux bains-douches et au-dessus trois petites salles : le bureau de l’administration, un bain-douche et un petit dortoir avec quatre lits.

 

« NOUVELLE GENERATION »  En mai 2.002, six garçons décidés à sortir de la rue, ont fondé le groupe « Nouvelle Génération » avec des objectifs semblables à ceux des « Quetzalitas » : s’aider mutuellement et soutenir les jeunes qui vivent encore dans les rues à s’organiser et à construire leur mouvement.

Au milieu de mille difficultés, de nombreuses épreuves, de crises de croissance, le mouvement des jeunes des rues se développe peu à peu. Après une première phase  où les adultes commandaient, nous sommes entrés dans une phase de cogestion.