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ASSEMBLEE GENERALE RESEAU BELGE

Dion-le-Val 7 janvier 2007

Le rêve d’une seule personne n’est qu’un rêve, s’il est partagé il devient réalité. Le rêve d’un mouvement autogéré dormait depuis longtemps dans le cœur des filles et des garçons des rues du Guatemala. Ces jeunes en ont pris conscience en en parlant, en cherchant ensemble des réponses à leurs questions, à leurs désirs. Et c’est ainsi,  il y a eu plus de dix ans, en septembre 1995,  que plus de 80 jeunes des rues, réunis en assemblée, ont décidé de fonder leur mouvement.

C’était un beau rêve. Un rêve insensé, nous dirent à l’unisson tous les responsables des associations qui voulaient sauver les enfants des rues en les enfermant, en les soumettant aux adultes, en décidant à leur place, en brisant les couples, en ne remettant pas en cause les injustices sociales qui détruisent les familles et les communautés  et poussent tant d’enfants et de jeunes à choisir de vivre dans la rue.

C’était un rêve difficile à réaliser. Il a fallu beaucoup d’années, beaucoup d’efforts, beaucoup d’échecs, pas mal de découragements, il a fallu surtout beaucoup de joies, d’amitié, d’amour, il a fallu rassembler beaucoup de personnes comme vous au Guatemala, en Belgique, en Italie et ailleurs pour que ce rêve devienne réalité,  pour que naisse le mouvement autogéré des jeunes de la rue.

Ce sera au cours de cette année 2006, en mars j’espère, que les jeunes prendront enfin en mains leur mouvement, qu’ils seront les seuls à décider. Bien sûr, des adultes continueront à les accompagner, mais ils seront seulement des conseillers, des amis. Une association juridique représentera au niveau légal le mouvement e garantira le respect des lois et des contrats, le bon usage de l’argent la fidélité aux objectifs du mouvement et à son esprit, l’amitié libératrice. Nous allons, dans les prochains mois, modifier les statuts de l’association juridique et du mouvement pour qu’ils permettent et garantissent l’autogestion.

Et dans les prochains mois nous allons atteindre un autre objectif important en ouvrant une auberge pour les filles des rues et leurs enfants.

Il y a environ un an, vers la fin de 2004, j’avais beaucoup de doutes, de préoccupations sur  l’avenir du mouvement qui traversait une crise inquiétante, due en grande partie à deux responsables, insuffisamment préparés qui voulaient changer la nature du mouvement, le dirigeaient de façon autoritaire, manquaient de respect envers les garçons et surtout envers les filles. Et c’est une rébellion des filles qui a permis de remettre le mouvement sur sers rails,  de le réorienter vers ses objectifs et de remplacer l’autoritarisme par l’amitié et la participation. Les jeunes savent ce que doit être le mouvement, elles veulent y trouver ce qu’elles  ont été chercher dans la rue, le respect, la liberté, l’amitié.  L’organisme sait se débarrasser des corps étrangers, Patty Garcia a été nommée coordinatrice technique du mouvement et avec l’aide d’un vieux de la vieille,  René Cordero et d’une bonne équipe de jeunes ils ont en quelques mois redressé la situation et préparé le passage à l’autogestion.

Le mouvement n’est pas figé, il sait se remettre en question,  prendre conscience des limites et des erreurs,  tenter d’y remédier. En 2005, nous avons réalisé ce qui, à ma connaissance, est la  première enquête participative menée par des jeunes des rues. Le thème de la recherche :  le mouvement. La méthode : des dialogues informels, des discussion de groupe avec des  jeunes des rues, ou qui en sont sortis, des adultes, employés ou volontaires. Le but de cette recherche pas encore terminée, c’est d mieux comprendre ce qui va et ce oui ne va pas pour pouvoir améliorer notre action. Nous avons également  commencé un séminaire sur notre méthode de travail, une réflexion critique sur notre expérience qui nous a amené à effectuer de profondes modifications dans l’organisation et le travail dans la rue. Nous donnons une très grande importance à la formation des cadres.

Le mouvement est une organisation complexe qui travaille avec différente catégories de personnes : les enfants et les jeunes qui vivent dans la rue, les filles qui en sont sorties (les Quetzalitas), leurs enfants, les garçons sortis de la rue qui font partie du groupe d’aide mutuelle « Nouvelle Génération », et bientôt les pensionnaires de notre auberge. Il y a beaucoup de programmes d’activité, beaucoup de services (psychologique, juridique, sanitaire, aide au logement, bourses d’étude, de formation professionnelle, parrainages d’enfants).  Nous comptons une bonne vingtaine de travailleurs qui reçoivent un salaire et des volontaires guatémaltèques et d’autres pays.

J’ai constaté des progrès significatifs dans tous les domaines,  même si beaucoup reste  faire.  Je vous cite seulement quelques exemples.

Les groupes du centre historique,menacés d’expulsion se sont organisés avec nous pour trouver avec les autorités communales des solution positives, des cours de formation professionnelle et une auberge de nuit.

Il y a des progrès significatifs dans le secteur de l’éducation, depuis qu’un accompagnateur a été remplacé par Pochis, un ancien de la rue. Avec Glenda e Ana Maria, ils ont réussi à signer un contrat avec CONALFA organisation gouvernementale qui fournit une formation des enseignants, le matériel didactique et la reconnaissance officielle des titres d’étude.  Ils ont donné des cours d’alphabétisation dans la rue à trois groupes, activité la plus appréciée comme a révélé notre enquête. Le nombre des jeunes qui fréquentent l’école dans notre maison a augmenté, leur motivation également et nous espérons attribuer dans cette année une trentaine de bourses d’étude.

La production a également augmenté surtout dans els ateliers de menuiserie et de coupe et confection, sans toutefois permettre de couvrir les frais des cours de formation professionnelle. L’atelier d menuiserie construira les meubles de l’auberge et nous espérons faire fonctionner à temps plein la boulangerie, atelier qui a le plus de marché.

Le groupe d’aide mutuelle des filles sorties de la rue a augmenté, il compte actuellement une trentaine de membres, c’est un groupe autogéré qui a amélioré son organisation, les activités de formation, les activités pour les enfants. Une cinquantaine d’entre eux étaient parrainés l’an dernier, ils seront au moins soixante cette année-ci.

Mas c’est surtout dans le secteur de la réinsertion dans la société que l’on note le plus de progrès : à  fin novembre, 21 filles et garçons, souvent avec des enfants et un compagnon ou une compagne, ont reçu une aide au logement.  Cela témoigne à a fois de l’efficacité de l’action du mouvement puisqu’un nombre croissant de jeunes

 sortent de la rue mais aussi de la misère et de la violence sociale qui augmentent et rejettent à la rue des filles et des garçons qui en étaient  sortis. L’ouverture de l’auberge améliorera notablement le service de réinsertion, mais il reste beaucoup à faire : ouvrir une auberge pour les garçons et les couples, commencer un programme de logements sociaux et un service de l’emploi.

Le domaine de la santé aussi s’est amélioré avec des accords avec des organisations comme MSF qui malheureusement a mis fin ò son travail avec les enfants des rues. Nous avons surtout travaillé pour la prévention du sida et les soins pour celles et ceux qui en souffrent, sans négliger pour autant  

Autre progrès significatif : l’élection d’un nouveau conseil d’administration avec une majorité de membres qui ne travaillent pas dans le mouvement et ont une bonne compétences professionnelle, surtout dans le domaine administratif qui laissait fort à désirer. Et l’on recommence à trouver des ressources au Guatemala, un groupe d’entrepreneurs chrétiens vont se charger de la restructuration de notre centre.

Le bilan est donc positif et encourageant, mais nous sommes conscients que ce n’est qu’un début et qu’il y a encore beaucoup de chemin ò parcourir avant d’atteindre tous les enfants et les jeunes des rues du Guatemala.

En Europe aussi 2005 a été une excellente année. Nous avons pu non seulement nous substituer à l’Union Européenne pour financer le mouvement, mais nous avons augmenté de 50 % le budget du MOJOCA en passant de 100 à 150.000 euros en 2005, à 200.000 pour l’année en cours. Cela été possible grâce à une augmentation significative des contributions données par les membres et les groupes de nos réseaux d’amitié, aux subventions accordées par des institutions publiques et privées, grâce aussi à des réserves que nous avons pu constituer durant la période couverte par l’UE, réserves qui vont disparaître rapidement, en grande partie durant cette année-ci.

La Belgique a généreusement contribué à cet effort, comme vous l’expliquera Jacqueline. Le Réseau belge a fait un saut en avant spectaculaire : une meilleure organisation avec une coordination des groupes d’amitié, Une meilleure communication avec un bulletin bien présenté qui se lit avec plaisir, une jnformation par courriel a vu le jour. Les rapports avec des institutions privées et publiques se multiplient. De jeunes belges toujours plus nombreux font du volontariat avec le mouvement pour des périodes toujours plus longues, de 9 à 12 mois, avec des compétences accrues dans les activités de cirque ou en éducation. Le Réseau fait beaucoup plus que trouver de l’argent, il fait un travail de sensibilisation, de conscientisation, d’éducation au développement. Un effort significatif dans le sens d’un changement global de notre société planétaire.

Dans cette solidarité l’argent a sa place, non comme acte de charité ou de bienfaisance, mais comme partage d’amitié, comme recherche d’un mode de vie plus respectueux de la terre et de l’humanité.

Massimo Silvestri, responsable de notre site Internet me disait un jour, il l’a même écrit que l’Italie devrait assurer les 3/5 du budget du MOJOCA et la Belgique un cinquième, ce qui voudrait dire pour l’an prochain 50 ou 60.000 euros.

Je crois que nous pouvons atteindre et dépasser cet objectif,  si nous réussissons à faire naître de nouveaux groupes, si nous prenons contact avec plus d’institutions publiques et privées, si nous parvenons à étendre le Réseau dans la Région flamande, terre généreuse et solidaire, si nous proposons à beaucoup d’amis qui le présenteront à leurs amis une contribution de 5 ou 10 euros par mois. Nous ne refusons pas l’argent des riches, mais notre projet se fonde sur la solidarité entre les personnes opprimées qui cherchent la justice  et le bonheur et avec ceux qui ont choisi d’être à leur côté.

Il me semble opportun d’étudier la possibilité de constituer le Réseau comme ASBL, ce qui nous permettrait de gagner les 5  % qu’OXFAM prélève sur les versements pour  couvrir les frais que nous leur occasionnons.  C’est ce que nous avons fait en Italie il y a 4 ans et cela nous a facilité grandement l’administration.

Pendant ces dernières années, j’ai œuvré pour que le Mouvement et les Réseaux d’amitié puissent vivre et se développer sans moi. Le but est atteint en Belgique et sur le point de l’être en Italie et au Guatemala. Et il y a de bonnes chances qu’un Réseau se constitue dès cette année en Espagne. D’autres pays suivront et le mouvement s’étendra dans le continent latino-américain. Mais cela, je ne l e verrai pas. Je peux enfin chanter mon « nunc dimitis ». Mon testament est fait : je vous confie le mouvement des jeunes des rues.

                                                      Gérard Lutte